Un rôle bien encadré
Le Parlement européen, élu au suffrage universel direct, est au cœur du système démocratique européen : conjointement avec le Conseil de l’Union Européenne (UE) qui regroupe les ministres des 27 Etats membres, il légifère sur le quotidien des européens dans les domaines de la sécurité, l’environnement et l’ensemble des secteurs économiques, d’où l’importance des élections européennes de 2024 pour la bourse.
Même si le Parlement européen n’a pas le pouvoir de proposition (réservé à la Commission Européenne), son rôle est central. Son accord, qui se manifeste à travers les votes des eurodéputés, est en effet nécessaire à l’adoption des lois et ses pouvoirs de contrôle sur l’exécutif en font une instance incontournable.
L’UE ne peut cependant intervenir que dans le cadre des traités européens, c’est-à-dire dans les domaines où ses membres l’ont autorisée à le faire, à savoir des « compétences exclusives » (douane, concurrence, politique monétaire et accords commerciaux), des « compétences partagées » avec les membres (environnement, agriculture, pêche, recherche ou transports) et des « compétences d’appui » dans lesquelles l’UE a le seul rôle de conseil.
Une influence non négligeable en matière réglementaire…
Exemple de décision prise par le Parlement européen, le « Pacte vert pour l’Europe » est un ensemble de mesures dédiées à la transition écologique et dont l’objectif final est d’atteindre la neutralité climatique d’ici à 2050.
D’ici 2030, l’UE compte réduire ses émissions d’au moins 55% grâce notamment à des objectifs climatiques juridiquement contraignants pour les collectivités, les entreprises et les particuliers.
Mesure emblématique, les eurodéputés ont donné leur accord interdisant la vente de véhicules neufs émettant du CO2 dès 2035. Cette décision, purement européenne, vient modifier radicalement une industrie automobile européenne fortement ancrée dans les véhicules thermiques et incapable, à court terme, de produire à grande échelle des véhicules n’émettant pas de CO2 (voiture électrique) à un prix de vente et un coût de production concurrentiel face aux pure-player américains ou chinois.
Cette mesure issue de la machine réglementaire européenne est certes très importante en matière de lutte contre le réchauffement climatique mais elle ne semble à ce stade n’intégrer que peu de volets visant à accompagner ce changement, notamment indutriel.
Bien que très positives pour l’environnement, ces mesures ne sont ainsi pas forcemement idéales à court terme d’un point de vue economique ! Le risque de contraindre les entreprises est de venir réduire leur compétitivité dans un univers concurrencetiel intense… face à la Chine ou aux Etats-Unis.
La loi bien avant l’IA…
Second exemple d’adoption de propositions par le Parlement européen, la « législation sur l’IA » (intelligence artificielle), adoptée par le Parlement le 9 décembre 2023. Le texte doit encore être appouvé par le Conseil avant de pouvoir entrer en vigueur. Ce nouveau réglement a pour objectif « de veiller à ce que les systèmes d'IA mis sur le marché européen et utilisés dans l'UE soient sûrs et à ce qu'ils respectent les droits fondamentaux et les valeurs de l'UE » (source : CP du Conseil de l’UE).
Alors que l’IA est une réalité commerciale pour de nombreuses entreprises américaines (à l’image de Microsoft, Nvidia, Alphabet), l’Union Euopéenne a d’ores et déjà adopté une réglementation alors même qu’aucun modèle d’IA n’ait émergé sur le vieux continent… Encore une fois, cette réglementation, visant à protéger et favoriser l’écosystème de l’IA en Europe est pénalisante, à la fois dans le domaine de la recherche sur l’IA (limitation de la capacité d’innovation) mais également dans le domaine commercial (limitation de l’utilisation de l’IA des sociétés européennes face aux sociétés américaines).
En outre, lors des débats devant le Parlement européen, le Centre d’innovation de la donnée (Centre for Data Innovation), qui représente les plateformes les plus importantes, a fourni des études selon lesquelles il estimait que la législation européenne sur l’IA devrait coûter 31 milliards d’euros à l’économie européenne sur les cinq prochaines années, et réduire les investissements dans l’intelligence artificielle de 20%. Face à ces critiques, le Parlement a notamment prévu que les activités de recherche et développement en intelligence artificielle, de même que les développements en « open source » soient largement hors du champ d’application du texte, même s’il s’agit là, une nouvelle fois, des mesures réglementaires. En outre, la Commission a adopté en janvier 2024 une décision portant la création d’un office européen de l’IA en son sein, dont le rôle sera notamment de publier des orientations, d’une manière qui ne fasse pas double emploi avec les activités des organes et organismes compétents de l’Union au titre de la législation sectorielle spécifique.
En quoi le résultat des élections vont venir influer sur la politique européenne ?
Quelle que soit la nouvelle coloration du Parlement européen en juin 2024, les grands chantiers en cours (« Pacte vert pour l’Europe », « législation sur l’IA »,…) et l’orientation générale du Parlement ne devraient pas être remis en cause.
L’Europe devrait poursuivre son inlassable besoin de réglementation, un mal nécessaire pour faire fonctionner de concert 27 pays. L’Europe semble vouloir être un exemple de démocratie en avance sur les autres nations mais oublie parfois les réalités économiques et la concurrence des grandes puissances mondiales.
Bien que la réglementation européenne n’ait que peu d’effet sur le court terme, les effets sur le long terme de certaines lois peuvent être significatifs à l’image de ce que vit actuellement le secteur automobile.
Dans ce contexte, la bourse ne devrait pas évoluer positivement ou négativement en fonction de la composition du nouveau Parlement européen. Toutefois, à plus long terme, des secteurs entiers risquent d’être pénalisés.
Achevé de rédiger le 30/01/2024 par Thomas Delhaye et Jean-Marc Rogez, gérants de portefeuilles
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